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La semaine du droit pénal spécial

Pénal - Droit pénal spécial
26/02/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en droit pénal spécial, la semaine du 18 février 2019.
 
Diffamation publique – personne dépositaire de l’autorité publique – mission d’intérêt général
Vu l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
La qualité de dépositaire ou agent de l'autorité publique ou de citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, au sens de ce texte, est reconnue à celui qui accomplit une mission d'intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance publique ; que tel est le cas de l’organe exécutif d’un établissement public administratif ;
Il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que Monsieur X, chancelier de l’Institut de France, a porté plainte et s’est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers une personne dépositaire de l’autorité publique sur le fondement de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881, en raison de la publication, le 29 mars 2014, sur le site internet du journal Le Point, dont le directeur de la publication est Monsieur Y, d’un article sous la signature de Monsieur Y intitulé “La face cachée de l’Académie française”, comportant une interview de Monsieur Y au sujet de la parution, le 13 février précédent, de son ouvrage titré “Coupole et dépendances - enquête sur l’Académie française” ; que les juges du premier degré ont relaxé les prévenus et débouté la partie civile de ses demandes, après avoir estimé que Monsieur X n’avait pas la qualité de dépositaire de l’autorité publique au sens de l’article 31 de la loi sur la presse ; que celui-ci a relevé appel de cette décision ;
Pour confirmer le jugement sur les intérêts civils, l’arrêt énonce que le chancelier de l'Institut, élu par la commission administrative centrale parmi ses pairs, n’est ni un fonctionnaire public, ni un agent de l'autorité publique et que la qualité de dépositaire de l'autorité publique ne peut donc résulter que de l’exercice de prérogatives de puissance publique ; que les juges relèvent qu’il ne résulte nullement du décret du 11 mai 2007 que le chancelier exercerait un véritable pouvoir réglementaire alors qu’il n’est qu’un exécutant des décisions prises par les différentes commissions, qu’il ne dispose pas de la capacité d’édicter des actes administratifs unilatéraux, ni du pouvoir de modifier l’état du droit par simple décision unilatérale, ni du pouvoir de modifier ou de résilier unilatéralement les contrats ; que les juges retiennent que si le chancelier a autorité sur les services de l’Institut, il n’est nullement établi qu’il disposerait d’un véritable pouvoir exécutif exorbitant du droit commun, que le pouvoir d’autoriser les actes de déclassement et de disposition des biens de l’Institut est dévolu non au chancelier mais à la commission administrative et qu’aucune disposition ne l’habilite à gérer le domaine public de l’Institut ; qu’ils ajoutent que l’Institut est exclu du champ d’application du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et que, si le receveur des fondations est responsable dans les conditions applicables au comptable public, il n’en résulte pas que l’ordonnateur de l’Institut dispose du droit d’émettre des titres exécutoires ;
Mais en statuant ainsi, alors que l’Institut de France présente les caractères d’un établissement public administratif, ce dont il se déduit que son organe exécutif, le chancelier, est dépositaire de l’autorité publique au sens de l’article 31 de la loi sur la liberté de la presse, la cour d’appel a méconnu ce texte et le principe susvisé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef »
Cass. crim.,19 févr. 2019, 17-85.115, P+B*

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 25 mars 2019.


 
Source : Actualités du droit