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La majoration du dépôt de garantie devant le Conseil constitutionnel

Civil - Immobilier
25/02/2019
La majoration du dépôt de garantie à défaut de restitution dans les délais prévus est conforme à la Constitution.
Aux termes de l’alinéa 7 de l’article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (JO 8 juill.), dans sa version issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (JO 26 mars), dite loi Alur, « à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n'est pas due lorsque l'origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l'absence de transmission par le locataire de l'adresse de son nouveau domicile ».

Cette disposition est-elle contraire aux principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elles sanctionnent le défaut de restitution dans les délais du dépôt de garantie d'une majoration du montant de ce dernier, automatique et indépendante des sommes effectivement dues ? En outre, cette majoration, qui ne tiendrait pas compte du préjudice réellement subi par le locataire, méconnaîtrait-elle également le droit de propriété ?
Le Conseil constitutionnel a répondu par la négative à cette question prioritaire de constitutionnalité.

Le Conseil rappelle, tout d’abord, que selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

Il rappelle ensuite qu’il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel relève d’une part, qu’en instaurant cette majoration, le législateur a entendu compenser le préjudice résultant pour le locataire du défaut ou du retard de restitution du dépôt de garantie et favoriser ainsi un règlement rapide des nombreux contentieux qui en découlent.

D’autre part, qu’en prévoyant que cette majoration est égale à une somme forfaitaire correspondant à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard, le législateur s'est fondé sur un élément en lien avec l'ampleur du préjudice, dans la mesure où le montant du loyer mensuel est pris pour référence comme plafond du dépôt de garantie, et a pris en compte la durée de ce préjudice.

Par conséquent, les Sages considèrent que « la majoration contestée, qui présente un caractère indemnitaire, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés comme inopérants. Par ailleurs, pour les motifs énoncés aux paragraphes précédents, le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété doit être écarté ».

Le septième alinéa de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 est donc déclaré conforme à la Constitution.

Sur la restitution du dépôt de garantie, v. Le Lamy Droit immobilier 2018, n° 5833.
Source : Actualités du droit