Retour aux articles

Utilisation à des fins disciplinaires contre une magistrate d'une conversation téléphonique : pas de violation de la Convention

Pénal - Procédure pénale
03/07/2017
Dans la mesure où l'interception de la conversation ne résultait pas de la mise sur écoute de la ligne de la magistrate, mais d'un individu connu des services de police et titulaire de la ligne faisant l'objet des écoutes, le statut de la magistrate était alors inconnu et que la garantie spéciale de procédure, revendiquée par elle, a été ensuite effectivement appliquée dès que son statut a été découvert, il n'y a ni détournement de procédure, ni abus.
 
Aussi, l'écoute litigieuse a été ordonnée par un magistrat, réalisée sous son contrôle et la transcription de la conversation a ensuite été réalisée dans le cadre d'une enquête préliminaire à la demande et sous le contrôle d'un magistrat. Par conséquent, il n'y a pas violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH). Telle est la solution retenue par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rendu le 29 juin 2017.

En l'espèce, le 6 septembre 2008, en exécution d'une commission rogatoire délivrée dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, une communication téléphonique fut interceptée entre une magistrate, Mme T., et M. F. L., un individu connu des services de police et titulaire de la ligne faisant l'objet des écoutes. Informé du contenu de cette conversation, le procureur général alerta le procureur de la République ainsi que le premier président de la cour d'appel. Ce dernier fit délivrer à Mme T. une convocation pour procéder à son audition sur la nature des rapports qu'elle entretenait avec M. F. L., le contenu de leur conversation et la procédure qu'ils avaient évoquée. Le premier président informa la direction des services judiciaires du ministère de la Justice du comportement de la magistrate. Le 20 février 2009, la Garde des Sceaux saisit le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) des faits imputables à Mme T.. Celle-ci déposa des conclusions de nullité de la procédure administrative disciplinaire relatives notamment au déroulement de l'enquête administrative et à la recevabilité de l'écoute téléphonique à titre de preuve. Le 5 mai 2010, le CSM prononça la sanction de mise à la retraite d'office de Mme T.. Le Conseil d'Etat déclara non-admis le pourvoi de Mme T. contre la décision du CSM (CE, 6e s-s, 11 avr. 2012, n° 348049).

Saisissant la CEDH, la magistrate a argué de la violation de l'article 8 de la CESDH et s'est plaint de l'interception et de la retranscription de la conversation téléphonique litigieuse, de l'utilisation des procès-verbaux correspondants dans le cadre de la procédure disciplinaire, sans avoir bénéficié des garanties liées à son statut de magistrat et sans avoir été en mesure de faire contrôler la régularité de l'écoute téléphonique.

À tort. La CEDH, après avoir énoncé le principe susvisé, ne retient aucune violation du texte précité.

Par Aziber Seïd Algadi
 
Source : Actualités du droit