L’obligation de résultat du constructeur face aux non-conformités avant réception des travaux
Dans le domaine de la construction, il est couramment admis qu’aucune responsabilité du constructeur ne peut être engagée sans la présence d’un désordre. Ce principe connaît toutefois des limites qu’il convient de bien comprendre.
Les constructeurs doivent faire preuve d’une vigilance accrue face aux non-conformités, même lorsqu’aucun désordre n’est constaté. En effet, tant que les travaux ne sont pas réceptionnés, le constructeur est tenu d’une obligation contractuelle de résultat, impliquant la réalisation d’un ouvrage conforme aux règles de l’art.
Le rôle des DTU et des règles de l’art
Les Documents Techniques Unifiés (DTU), bien qu’ils n’aient pas de valeur réglementaire en eux-mêmes, incarnent les règles de l’art dans le secteur du bâtiment. Même en l’absence de référence explicite au DTU dans le contrat, les obligations qui en découlent peuvent être imposées au constructeur si elles correspondent aux règles de l’art.
La jurisprudence rappelle cependant que le non-respect d’un DTU non contractuel, sans désordre avéré, ne saurait à lui seul justifier une sanction. Ainsi, dans un arrêt du 27 février 2001 (Cass. Civ 3, n°99-18.114), la Cour de cassation a jugé qu’un défaut de conformité aux DTU ne suffit pas à engager la responsabilité du constructeur en l'absence de désordre et de référence contractuelle.
Plus récemment, l’arrêt du 10 juin 2021 (Cass. Civ 3, n°20-15.277) a confirmé cette position : même si un DTU reflète les règles de l’art, son application n’est contraignante que si elle a été contractualisée ou si elle s’impose en vertu de la loi.
Distinction entre règles de l’art et prescriptions techniques
Il est essentiel de distinguer entre les simples énonciations des règles de l’art — qui restent opposables au constructeur — et les prescriptions techniques spécifiques contenues dans les DTU ou d’autres normes non intégrées au contrat.
Cette distinction protège le maître d’ouvrage, qui ne saurait être contraint de renoncer à ses garanties en acceptant un ouvrage non conforme aux règles de l’art.
L’obligation de résultat avant réception des travaux
Avant la réception des travaux, le constructeur doit livrer un ouvrage conforme, exempt de désordres, de malfaçons et de non-conformités. Cette exigence demeure, même si certaines normes, comme les DTU ou la norme AFNOR NFP 03-001, n’ont pas été intégrées au contrat.
La Cour de cassation rappelle que seule une norme rendue obligatoire par la loi ou expressément intégrée au contrat peut fonder une obligation spécifique. Ainsi, dans un arrêt du 21 mars 2019 (Cass. Civ 3, n°17-31.540), il a été jugé que la norme NF P 03-001 ne peut prévaloir sur les stipulations contractuelles si elle n’a pas été acceptée par les parties.
Cette position a été réaffirmée dans un arrêt du 4 mars 2021 (Cass. Civ 3, n°19-16.952), où la Cour a sanctionné la dénaturation d’une clause excluant explicitement l’application de cette norme.
Les constructeurs doivent retenir que, même en l’absence de réception des travaux et de désordre, ils demeurent responsables des non-conformités aux règles de l’art. En revanche, les DTU et autres normes techniques ne s’imposent que si elles ont été contractualisées ou rendues obligatoires par la loi.
Cette évolution jurisprudentielle appelle les professionnels du bâtiment à une extrême rigueur dans l’exécution de leurs obligations contractuelles et dans le respect des règles de l’art, au-delà de la simple mention des normes applicables. Il est ainsi recommandé de vérifier attentivement la teneur du contrat et la nature des non-conformités susceptibles d’être opposées.