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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
05/10/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 28 septembre 2020.
Détention provisoire – prolongation – intervention judiciaire – crise sanitaire
« M. X... a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire par décision en date du 18 avril 2018.
Saisi par ordonnance du juge d’instruction en date du 12 mars 2020, le juge des libertés et de la détention, après débat contradictoire, a ordonné, le 31 mars 2020, la prolongation de la détention provisoire de l’intéressé pour une durée de six mois, par une décision motivée en droit et en fait.
M. X... a relevé appel de cette ordonnance.
 
Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, 145-2 du Code de procédure pénale et 16 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 :
Il se déduit du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu’elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d’une mesure de détention provisoire, l’intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l’arbitraire.
Selon le second, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d’un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l’article 145-3 du Code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l’expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l’article 137-3 dudit Code et rendue après un débat contradictoire.
Il résulte du troisième qu’en matière criminelle les délais maximums de détention provisoire prévus par les dispositions du Code de procédure pénale sont prolongés de six mois, dans la limite d’une seule prolongation au cours de chaque procédure.
Pour infirmer l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. X..., la chambre de l’instruction constate que le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance dont appel, maintenu le débat contradictoire prévu et prolongé la détention provisoire de l’intéressé pour une durée de six mois.
Les juges relèvent par ailleurs que selon les articles 15 et 16 de l’ordonnance précitée, les détentions provisoires en cours à la date de publication de ce texte et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré voire prorogé, sont de plein droit prolongées de six mois en matière criminelle.
Ils précisent que si ces mesures sont dérogatoires au droit commun, elles apparaissent proportionnées à la situation sanitaire du pays et poursuivent l’objectif de limiter tout contact pour empêcher la dissémination de la Covid-19 au sein de la population.
La chambre de l’instruction retient ensuite qu’il n’a pas été prévu de laisser au juge la faculté de statuer en application de l’article 145 du Code de procédure pénale, les prolongations prévues par l’article 16 de l’ordonnance étant de plein droit, c’est à dire automatiques.
Les juges en déduisent que le juge des libertés et de la détention, d’une part, ne pouvait ainsi maintenir le débat dès lors que sa saisine était devenue sans objet, d’autre part, ne pouvait statuer sur la détention de la personne mise en examen sans excéder l’étendue de ses pouvoirs.
La chambre de l’instruction en conclut qu’il y a lieu d’infirmer la décision et de constater que la détention provisoire de M. X... a été prolongée de plein droit de six mois à compter du 18 avril 2020.
En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés, pour les raisons qui suivent.
L’article 16 de l’ordonnance précitée, qui contient des règles dérogatoires, ne saurait s’interpréter comme faisant obstacle à l’exercice de ses compétences par le juge des libertés et de la détention dans des conditions conformes aux seuls textes du Code de procédure pénale.
Dès lors, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il appartenait à la chambre de l’instruction de se prononcer sur la nécessité du maintien en détention provisoire de M. X....
 
La prolongation sans intervention judiciaire du titre de détention venant à expiration prévue à l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 est régulière si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, en matière criminelle, dans les trois mois de la date d’expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention (Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910).
Ce contrôle judiciaire a eu lieu lorsque, dans ce délai, en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a, dans le respect de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, statué sur la nécessité de cette mesure.
Il résulte des pièces de la procédure que, par l’ordonnance frappée d’appel en date du 31 mars 2020, le juge des libertés et de la détention s’est prononcé sur le bien-fondé du maintien en détention provisoire de M. X....
Si M. X... ne saurait ainsi être considéré comme détenu sans titre, il convient néanmoins, pour garantir l’effectivité du droit d’appel de l’intéressé, d’ordonner le renvoi de l’affaire ».
Cass. crim., 29 sept. 2020, n° 20-82.564, P+B+I *
 

Garde à vue – qualification – information – enregistrement
« A la suite du contrôle de cinq plaintes suspectes, dont l’une déposée par M. X..., officier de police, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire du chef de faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique.
A l’issue de celle-ci, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs de faux en écriture publique, escroqueries et complicité d’escroqueries.
La saisine du juge d’instruction a été étendue à de nouveaux faits par plusieurs réquisitoires supplétifs pris des mêmes chefs.
Sur commission rogatoire du juge d’instruction, M. X... et Mme Y... ont été placés en garde à vue le 20 novembre 2018 des chefs délictuels, pour le premier, de faux en écriture publique, escroqueries et complicité et, pour la seconde, d’escroqueries et complicité, complicité de faux en écriture publique.
A l’issue de cette garde à vue, le 22 novembre 2018, M. X... a été mis en examen du chef criminel de faux en écriture publique par dépositaire de l’autorité publique et des chefs délictuels d’escroqueries et complicité d’escroqueries.
Le 1er octobre 2019, Mme Y... a été mise en examen du chef criminel de complicité de faux en écriture publique par dépositaire de l’autorité publique ainsi que des chefs d’escroqueries et complicité.
M. X... a saisi la chambre de l’instruction d’une requête tendant à voir annuler les procès-verbaux de sa garde à vue et les actes de procédure subséquents.
Le 28 octobre 2019, Mme Y... a déposé un mémoire sollicitant également que soit prononcée la nullité des procès-verbaux de sa garde à vue.
 
Vu l’article 63-1 du Code de procédure pénale :
Il résulte de ce texte que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de la qualification de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre.
Pour écarter le moyen de nullité des deux requérants, pris de ce que seule la qualification délictuelle de faux en écriture publique leur a été notifiée lors de leur garde à vue, l’arrêt retient que s’il ressort de certaines pièces de la procédure que le ministère public a pu envisager de retenir une qualification criminelle, il résulte des réquisitoires introductif et supplétifs qu’il a finalement opté, en opportunité, pour une qualification délictuelle.
Les juges ajoutent que les faits pour lesquels M. X... et Mme Y... ont été placés en garde à vue étant de nature délictuelle, les auditions des intéressés ne devaient pas faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel en application des dispositions de l’article 64-1 du Code de procédure pénale.
Ils relèvent enfin que le juge d’instruction a, au stade de la mise en examen des mis en cause, restitué aux faits dont il était saisi la qualification criminelle qu’il estimait être la plus juste juridiquement.
En statuant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
En effet, il se déduit de la motivation précitée que, dès le début de la garde à vue, la circonstance aggravante tenant à la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de M.X... était établie.
En conséquence, le juge d’instruction, sous le contrôle duquel était placée la mesure de garde à vue et qui a mis en examen les intéressés du chef criminel de faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique et complicité, devait, conformément au second alinéa du I de l’article 63, applicable par renvoi de l’article 154 du Code de procédure pénale, leur faire notifier cette qualification criminelle par l’officier de police judiciaire.
Le défaut de notification de cette qualification criminelle a nécessairement porté atteinte aux intérêts des personnes concernées dès lors que leurs auditions n’ont pas été enregistrées, comme elles auraient dû l’être en application de l’article 64-1 du Code de procédure pénale ».
Cass. crim., 29 sept. 2020, n° 20-82.509, P+B+I *
 
 
QPC – chambre de l’instruction – pouvoir – non-renvoi
« Les articles 204 et 205 du Code de procédure pénale, pris ensemble, portent-ils atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis, et en particulier à la garantie des droits consacrée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, notamment :
  •  au droit à un recours juridictionnel effectif et à l’effectivité des droits de la défense, en ce que ces dispositions, en interdisant tout pourvoi en cassation contre les arrêts de la chambre de l’instruction ordonnant le supplément d’information et toute requête en nullité pour absence d’indices graves ou concordants contre les ordonnances du juge délégué procédant à la mise en examen ordonnée, permettent de soustraire de tout contrôle juridictionnel effectif le contentieux de la légalité des mises en examen lorsque celles-ci sont ordonnées par une chambre de l’instruction au titre d’un supplément d’information, et plus spécifiquement lorsqu’elles sont ordonnées à plusieurs reprises par la même chambre de l’instruction au titre d’un même supplément d’information qui avait déjà été ordonné dans un précédent arrêt avant dire droit et auquel un juge d’instruction désigné à cet effet n’avait pas procédé, et donc en ce que ces dispositions permettent à une chambre de l’instruction, de façon discrétionnaire et hors de tout contrôle postérieur, d’ordonner la mise en examen d’un justiciable et de la réordonner aussi longtemps qu’un juge, désigné par elle, n’a pas consenti à y procéder, et ce sans que le justiciable puisse utilement contester sa mise en cause ?
  • au principe d’impartialité objective indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles, en ce que ces dispositions permettent à une chambre de l’instruction de désigner l’un de ses propres membres pour procéder à un supplément d’information aux fins de mise en examen qu’elle a réordonné après qu’un premier juge d’instruction qu’elle avait désigné pour y procéder a refusé de le faire, et donc en ce que ces dispositions permettent de confier à un conseiller de la chambre de l’instruction le soin d’apprécier l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation d’un justiciable aux faits objets de l’information, et ce en exécution d’un arrêt rendu par la juridiction à laquelle il appartient, pour lequel il était rapporteur, et qui a, par au moins deux fois, déjà conclu à l’existence de tels indices ? »
Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.
La question posée ne présente pas un caractère sérieux.
 
En effet, d’abord, il incombe à la chambre de l’instruction, lorsqu’elle est saisie de l’entier dossier, comme en cas d’appel par la partie civile d’une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction, et dans l’exercice de son pouvoir de révision, de rechercher les personnes ayant pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des faits dont le juge d’instruction a été saisi.
En ordonnant un supplément d’information aux fins de mise en examen d’une personne qui n’a pas été renvoyée devant elle, conformément aux dispositions des articles 204 et 205 du Code de procédure pénale, la chambre de l’instruction ne fait qu’exercer des pouvoirs qui n’ont d’autre finalité que la perfection de l’instruction par la juridiction du second degré.
Il en résulte que l’impossibilité pour la personne concernée de former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant cet objet ne saurait être regardée comme une atteinte excessive au droit à un recours effectif non plus qu’aux droits de la défense dans la mesure où un tel arrêt présente le caractère d’une décision avant dire droit, que la mise en examen est nécessairement précédée d’un débat contradictoire, et que ladite chambre reste elle-même libre d’apprécier à nouveau, lors de son examen ultérieur, et une fois la procédure devenue complète, l’existence de charges de culpabilité.
En outre, l’impossibilité pour l’intéressé, dans ce cadre procédural précis, de former un recours en nullité devant la chambre de l’instruction contre sa mise en examen pour un motif tenant à la critique du caractère grave ou concordant des indices considérés, ressortit à l’objectif de bonne administration de la justice, la juridiction du second degré ayant nécessairement conclu à l’existence de tels indices pour ordonner le supplément d’information ayant conduit à la mise en examen.
Enfin, l’exécution par l’un des membres de la chambre de l’instruction d’un supplément d’information tendant à la mise en examen d’une personne ne saurait être regardée comme une atteinte au principe d’impartialité objective, indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles, que ce soit par la chambre ou par le conseiller, la mise en examen n’étant pas en soi un acte juridictionnel et le magistrat ayant toujours la possibilité de ne pas mettre en examen la personne visée.
Il n’importe dès lors que la chambre de l’instruction, juridiction du second degré appelée à parfaire l’instruction, soit ainsi, dans le strict exercice des pouvoirs qui sont les siens, conduite à contredire de précédentes décisions du juge d’instruction qu’elle avait dans un premier temps délégué ».
Cass. crim., 29 sept. 2020, n° 19-87.358, P+B+I *
 
 
Détention provisoire – ordonnance – appel avec examen immédiat - délai
« M. X..., mis en examen des chefs susvisés, a fait l’objet d’une ordonnance de placement en détention après débat différé, le vendredi 5 juin 2020.
Le mardi 9 juin M. X...a adressé au greffe de la maison d’arrêt une lettre manifestant son intention de former appel de cette ordonnance avec un examen immédiat de cet appel. Le mercredi 10 juin 2020, date à laquelle ladite lettre est parvenue au greffe, M. X...a formé appel de cette ordonnance et, conformément aux dispositions de l’ article 187-1 du Code de procédure pénale, a sollicité du président de la chambre de l’instruction qu’il examine immédiatement cet appel.
 
En application de l’article 187-1 du Code de procédure pénale, en cas d’appel d’une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l’appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l’instruction d’examiner immédiatement son appel sans attendre l’audience de cette juridiction. Cette demande doit, à peine d’irrecevabilité, être formée en même temps que l’appel devant la chambre de l’instruction.
En vertu de l’article 801 du même Code, le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Pour déclarer irrecevable la demande d’examen immédiat de l’appel interjeté contre l’ordonnance de placement en détention provisoire, le président de la chambre de l’instruction retient que l’appel a été interjeté le 10 juin 2020, soit, le cinquième jour suivant l’ordonnance de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020 ne pouvait faire l’objet d’un appel et d’une demande d’appel immédiat que jusqu’au lundi 8 juin 2020.
En prononçant ainsi, le président de la chambre de l’instruction n’a pas excédé ses pouvoirs, dès lors que la demande d’examen immédiat de l’appel a été formée après l’expiration du délai précité.
En effet, la condition préalable selon laquelle la demande d’examen immédiat de l’appel de l’ordonnance de placement en détention n’est recevable que si la personne mise en examen a interjeté appel de cette décision au plus tard le jour suivant celle-ci ne s’interprète pas comme un délai de recours et n’entre pas dans les prévisions de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ».
Cass. crim., 30 sept. 2020, n° 20-83.548, P+B+I *
 
 
Géolocalisation – information – autorité judiciaire
« Dans le cadre d’une information judiciaire, et sur le fondement des dispositions de l’article 230-35 du Code de procédure pénale, les enquêteurs ont procédé, le 28 février 2019 à 3 heures 20, à la pose d’un dispositif de géolocalisation dans un véhicule. Ils en ont avisé le juge d’instruction le même jour, à 9 heures 30.
Par la suite, le véhicule en cause a fait l’objet d’une mesure de sonorisation dont les résultats ont conduit à l’interpellation de M. X..., le 8 avril 2019, et à sa mise en examen, le 10 avril 2019, des chefs susvisés.
Par requête en date du 26 juin 2019, M. X... a demandé l’annulation de la mesure de géolocalisation du 28 février 2019 ainsi que de nombreuses autres pièces de procédure par voie de conséquence.
 
Vu l’article 230-35 du Code de procédure pénale :
Il résulte de ce texte qu’en cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens, et dans les cas mentionnés aux articles 230-33 et 230-34 du même Code, un officier de police judiciaire peut prescrire ou mettre en place les opérations de localisation en temps réel, par tout moyen technique, d’un véhicule sans le consentement de son propriétaire ou possesseur, à la condition qu’il en informe immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d’instruction.
Pour rejeter la requête en nullité soulevée par le mis en examen, qui soutenait que l’officier de police judiciaire aurait dû informer immédiatement le juge d’instruction de la pose d’un dispositif de géolocalisation, dès 3 heures 20 et en tout cas sans attendre 9 heures 30, l’arrêt relève, notamment, qu’il a été satisfait à l’obligation d’information immédiate du juge d’instruction, le laps de temps entre 3 heures 20 et 9 heures 30 n’ayant emporté aucune atteinte à l’exigence découlant de l’article 230-35 du Code de procédure pénale et de l’article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, de contrôle de la mesure par l’autorité judiciaire, laquelle a pu y procéder utilement dès le début de la journée.
En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
En effet, d’une part, l’information du procureur de la République ou du juge d’instruction, selon le cas, doit intervenir dès la mise en place effective de la mesure de géolocalisation, d’autre part, il ne résulte d’aucun élément du dossier des circonstances insurmontables ayant empêché que cette information soit donnée selon les exigences légales ».
Cass. crim., 29 sept. 2020, n° 20-80.915, P+B+I *
 

Détention provisoire – prolongation – crise sanitaire  
« À l'issue d'un interrogatoire de première comparution le 23 novembre 2018, M. X a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire, sous mandat de dépôt criminel.
Cette mesure a fait l'objet d'une première prolongation pour une durée de six mois par décision en date du 14 novembre 2019.
Par ordonnance en date du 17 avril 2020, le juge des libertés et de la détention a de nouveau prolongé, pour une durée de six mois, cette détention provisoire au visa de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, soit sans examen du bien-fondé de la mesure.
Par une nouvelle ordonnance, en date du 28 mai 2020, ce même juge, après débat contradictoire, a décidé d'une nouvelle prolongation, pour une durée de six mois à compter du 22 mai 2020, sur le fondement d'une motivation en droit et en fait, au visa des articles 16-1 de l'ordonnance précitée, 137-1, 137-3, 143-1, 144, 144-1, 145 et suivants du Code de procédure pénale.
M. X a relevé appel de cette décision.
 
Pour écarter le moyen pris notamment de la violation de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt mentionne que la Cour de cassation a jugé qu'il résulte de ce texte que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire.
Les juges ajoutent que la Cour de cassation a précisé qu'une telle prolongation n'est régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour l'ordonner rend dans un délai rapproché (qui ne peut être supérieur à un mois en matière délictuelle et à trois mois en matière criminelle), courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé de la mesure.
Ils en déduisent que, dès lors, l'absence d'intervention a priori du juge pour prolonger une détention provisoire, en raison des circonstances exceptionnelles résultant de l'état d'urgence sanitaire, ne porte atteinte à aucune liberté fondamentale dans la mesure où un contrôle a posteriori est opéré par celui-ci à bref délai.
La chambre de l'instruction observe par ailleurs que tel est le cas, s'agissant de l'article 16-1, alinéa 2, de l'ordonnance précitée, lequel prévoit que le juge doit se prononcer sur la prolongation de la détention, après débat contradictoire, dans le mois suivant l'échéance de son terme, avec imputation de la durée de prorogation du titre de détention sur celle de la prolongation éventuellement ordonnée.
En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les raisons qui suivent.
Lorsque la loi accorde, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour le titre concerné, un délai supplémentaire pour qu'il soit statué sur la prolongation de la mesure de détention provisoire, un tel délai doit être regardé comme compatible avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'intervention du juge judiciaire étant nécessaire comme garantie contre l'arbitraire, s'il reste suffisamment bref.
Tel est le cas du délai d'un mois alloué par l'article 16-1, alinéa 2, susvisé, à la juridiction compétente pour se prononcer, en application du code de procédure pénale, sur la prolongation des seuls titres de détention expirant entre la date où les prolongations de plein droit autorisées n'ont plus été applicables et le 11 juin 2020, dans le seul but d'assurer, pendant cette période de transition, un retour au fonctionnement normal des juridictions.
 
Pour ordonner la prolongation de la détention provisoire de M. X, l'arrêt attaqué énumère en détail les divers faits mis à jour, tant au cours de l'enquête initiale qu'à la faveur des investigations du magistrat instructeur, et mentionne qu'il résulte des éléments précis et circonstanciés ci-dessus rappelés des indices qui rendent plausible l'implication de M. X dans les infractions pour lesquelles il est actuellement mis en examen.
Les juges déclinent par ailleurs précisément les divers éléments de personnalité, intégrant à cet exposé les avis des experts psychologue et psychiatre et les renseignements recueillis au moyen de l'enquête de personnalité.
La chambre de l'instruction en déduit que le maintien en détention de M. X est indispensable, en l'état, aux fins de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement et pour mettre un terme au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission, ou l'importance du préjudice qu'elle a causé et poursuit en décrivant en quoi ces risques sont caractérisés.
La chambre de l'instruction, relevant que le délai prévisible d'achèvement de l'information est de trois mois, en conclut que nonobstant les observations développées au mémoire et les garanties invoquées à leur soutien, la détention provisoire de M. X est justifiée, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, comme étant l'unique moyen de parvenir aux objectifs qui viennent d'être énoncés et qui ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, de telles mesures ne comportant pas de contrainte suffisante pour prévenir efficacement les risques précités.
En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale, y compris au regard de l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sur laquelle elle n'avait pas à se prononcer par des motifs distincts ».
Cass. crim., 29 sept. 2020, n° 20-83.539, P+B+I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 5 novembre 2020.
 
 
 
Source : Actualités du droit