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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
22/06/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 15 juin 2020.
Mandat d’arrêt européen – principe de spécialité – compétence
« Un mandat d’arrêt a été décerné à l’encontre de M. A... X... par un juge d’instruction de Nanterre. Le procureur de la République près cette juridiction a émis par la suite un mandat d’arrêt européen.
Le 26 novembre 2018, M. X... a été remis à la France par les autorités judiciaires britanniques. Il a été placé sous mandat de dépôt par le juge des libertés et de la détention.
Le 5 décembre 2018, a été notifié à M. X... un jugement du juge de l’application des peines de Créteil du 17 septembre 2015, ordonnant la révocation totale d’un sursis avec mise à l’épreuve prononcé par jugement du 21 juin 2012 du tribunal correctionnel de Bobigny pour des faits commis du 6 au 21 juin 2010.
M. X... a interjeté appel de ce jugement.
Le 30 janvier 2019, M. X... a comparu devant un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Nanterre qui lui a demandé s’il renonçait à la règle de spécialité concernant, notamment, le jugement du juge de l’application des peines de Créteil du 17 septembre 2015.
M. X... n’a pas renoncé au principe de spécialité.
 
Vu l’article 695-18 du Code de procédure pénale :
Selon ce texte, et sauf dans les cas qu’il prévoit, lorsque le ministère public qui a émis le mandat d’arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l’exécution d’une peine privative de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure.
Pour révoquer le sursis avec mise à l’épreuve relatif à une peine prononcée pour des faits antérieurs à la remise de M. X..., la cour énonce qu’en application des dispositions de l’article 695-18 du Code de procédure pénale, elle n’est pas compétente pour statuer sur le contentieux relatif à l’exécution des mandats d’arrêts européens et qu’il appartiendra au ministère public de décider de mettre ou de ne pas mettre à exécution la peine d’emprisonnement résultant de la révocation du sursis, assortie de l’exécution provisoire, au regard des dispositions applicables au mandat d’arrêt européen.
En se déterminant ainsi, alors que l’exception prise de la violation du principe de spécialité avait été soulevée devant elle et qu’il lui appartenait donc d’en apprécier le bien-fondé, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
La cassation est par conséquent encourue ».
Cass. crim., 17 juin 2020, n° 19-84.791, P+B+I *
 
 
Mineur – garde à vue – personne responsable – victime présumée  
«
 A... X..., mineur né le [...], a été placé en garde à vue le 11 février 2019 pour des faits de violences exercées sur M. B... Y..., éducateur au sein du foyer auquel le mineur avait été confié, ainsi que sur une jeune fille vivant également au foyer.
Les droits de la personne gardée à vue lui ont été notifiés et M. Y..., éducateur au sein du foyer, a été informé de la garde à vue en tant que personne ou service auquel est confié le mineur.
Le 14 février 2019, le juge des enfants a placé le mineur sous le statut de témoin assisté.
Le 7 août 2019, l’avocat d’A... X... a saisi la chambre de l’instruction en nullité de la garde à vue subie par le mineur le 11 février 2019, ainsi que des actes et pièces trouvant leur support dans la garde à vue.
Vu l’article 4. II de l’ordonnance du 2 février 1945 :
Selon ce texte, lorsqu’un mineur est placé en garde à vue, l’officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l’information a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur.
Pour écarter le moyen tiré de la nullité de la garde à vue du mineur en raison de l’irrégularité de l’information donnée à la personne ou au service auquel il est confié, l’arrêt attaqué énonce que le mineur a désigné son responsable en la personne de M. Y..., éducateur au centre départemental de l’enfance puis a pris acte de l’avis donné à ce dernier.
Les juges ajoutent que M. Y... a été avisé en qualité d’éducateur représentant le centre départemental de l’enfance.
Ils concluent que si M. Y... a été entendu comme victime de faits pour lesquels le mineur a été placé en garde à vue, cette circonstance n’a pas, à ce stade de la procédure, porté atteinte aux intérêts de la personne concernée.
En statuant ainsi la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision.
D’une part, il n’appartient pas au mineur de désigner la personne responsable du foyer dans lequel il se trouve placé.
D’autre part, l’information de la garde à vue du mineur donnée à la personne désignée à la fois comme représentant légal du mineur et comme victime présumée de ses violences ne garantit pas la conduite d’une procédure respectueuse des intérêts contraires en présence.
Enfin, l’irrégularité de cette information fait nécessairement grief au mineur dès lors que la formalité prévue a pour finalité de permettre à la personne désignée d’assister le mineur dans ses choix de personne gardée à vue dans le seul intérêt de sa défense.
La cassation est donc encourue. Elle interviendra avec renvoi, pour que la chambre de l’instruction détermine l’étendue de l’annulation ».
Cass. crim., 17 juin 2020, n° 20-80.065, P+B+I *
 

Instruction – demande d’octroi du statut de témoin assisté – irrecevabilité
« Le 27 août 2018, Mme X... a été mise en examen du chef de complicité de blanchiment, par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit de trafic de stupéfiants.
Après que le juge d’instruction eut adressé aux parties et à leurs avocats, le 2 mai 2019, l’avis de fin d’information, l’avocat de Mme X... a présenté une demande d’octroi du statut de témoin assisté, le 9 mai 2019, et, par déclaration au greffe en date du 12 juin 2019, a saisi la chambre de l’instruction directement de cette demande, en l’absence de réponse du juge d’instruction.
Par ordonnances des 20 et 24 juin 2019, le juge d’instruction a respectivement déclaré irrecevable la demande d’octroi du statut de témoin assisté et ordonné le renvoi de Mme X... devant le tribunal correctionnel.
Appel de ces deux ordonnances a été interjeté par l’intéressée.
 
Vu les articles 80-1-1, 175 et 802-1 du Code de procédure pénale :
La personne mise en examen ne dispose, après que lui a été délivré l’avis de fin d’information, que des droits limitativement énumérés par l’article 175 du Code de procédure pénale, ce qui exclut la requête prévue à l’article 80-1-1 du même Code.
Selon le troisième, lorsque, en application du Code de procédure pénale, une juridiction est saisie d’une demande à laquelle il doit être répondu par une décision motivée susceptible de recours, en l’absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la demande effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, ce recours peut être exercé contre la décision implicite de rejet de la demande, hors le cas où la loi prévoit un recours spécifique en l’absence de réponse.
Pour déclarer régulière la saisine directe de la chambre de l’instruction, l’arrêt relève que Mme X... a fait l’objet d’un interrogatoire le 29 avril 2019 et a présenté une demande d’octroi du statut de témoin assisté, le 9 mai 2019, dans le délai qui lui était légalement imparti.
Les juges énoncent que le fait que le juge d’instruction ait cru devoir délivrer dès le 2 mai 2019 un avis de fin d’information, dans le cours du délai accordé à la personne mise en examen, alors qu’au surplus l’avocat de celle-ci avait fait acter dans l’interrogatoire, point de départ du délai de dix jours, qu’il entendait déposer une telle demande, ne saurait priver la personne mise en examen d’un droit qui lui est accordé sans restriction par la loi, une telle solution étant contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ils en déduisent qu’une irrecevabilité fondée sur l’intervention de l’avis de fin d’information ne peut, en l’espèce, être opposée à la requérante.
Les juges ajoutent que l’absence de renvoi formel au dernier alinéa de l’article 81 du Code de procédure pénale par l’article 80-1-1 du même Code ne peut être interprétée comme excluant l’application de cet article, s’agissant du délai imparti au juge d’instruction pour statuer sur la demande et de la possibilité de saisir le président de la chambre de l’instruction en cas de silence du magistrat instructeur avant l’expiration dudit délai, de telles dispositions s’appliquant aux demandes voisines formulées par la personne mise en examen, comme celles prévues aux articles 82-1 et 82-3.
Les juges concluent que la demande formée sur le fondement de l’article 80-1-1 échappe aux prévisions de l’article 802-1, alinéa 1er qui a été institué pour pallier l’absence de dispositions légales prévoyant un recours contre une décision implicite de rejet d’une demande, dès lors que l’article 80-1-1 se réfère à l’article 81, sans y apporter de dérogation.
En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
Les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sont, en effet, étrangères à celles de l’article 80-1-1 du Code de procédure pénale et de l’article 175 précité, dès lors que la personne mise en examen dispose du droit de présenter des observations au juge d’instruction au cours du délai prévu par l’article 175 du Code de procédure pénale, ce magistrat ayant l’obligation de motiver son ordonnance de règlement au regard de celles-ci, en application de l’article 184 du même Code, et de préciser les éléments à charge et à décharge la concernant.
Les juges ne pouvaient, de surcroît, écarter les dispositions de l’article 802-1 du Code de procédure pénale, alors que l’article 80-1-1 du même Code ne prévoit aucun recours spécifique en l’absence de réponse du juge d’instruction à la demande d’octroi du statut de témoin assisté.
La cassation est par conséquent encourue.
 
Portée et conséquences de la cassation
La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure de faire application de la règle de droit, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et ainsi que le permet l’article L. 411-3 du Code de l’organisation judiciaire.
En effet, le juge d’instruction ayant, par ordonnance du 20 juin 2019, constaté que la demande d’octroi du statut de témoin assisté était irrecevable, il y a lieu de déclarer régulière cette décision et de déclarer irrecevable la saisine directe de la chambre de l’instruction.
En outre, le juge d’instruction ayant ordonné, le 24 juin 2019, le renvoi de Mme X... devant le tribunal correctionnel, il convient de déclarer irrecevable l’appel formé contre cette décision.
Le non-lieu à suivre ordonné à l’égard de Mme X... par la chambre de l’instruction, par voie de conséquence de sa décision d’octroi du statut de témoin assisté, étant annulé, le tribunal correctionnel est saisi par l’ordonnance de renvoi susvisée ».
Cass. crim., 16 juin 2020, n° 19-86.760, P+B+I *
 

JAP – débat contradictoire – observations du condamné
« Par jugement en date du 5 septembre 2019, le juge d’application des peines, saisi par M. X..., l’a admis au bénéfice de la libération conditionnelle compter du 17 septembre 2019, sous diverses conditions.
 Le procureur de la République a formé un recours suspensif contre cette décision.
 
Vu les articles préliminaire et 712-3 du Code de procédure pénale :
Selon le premier de ces textes, la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties.
 Il résulte du second que lors de l’examen en appel des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7 du Code de procédure pénale, la chambre de l’application des peines statue après débat contradictoire, le condamné, représenté par son avocat, n’étant pas entendu sauf si celle-ci en décide autrement.
Pour infirmer, sur les réquisitions orales du ministère public, le jugement ayant accordé à M. X... le bénéfice d’une libération conditionnelle, la chambre de l’application des peines, qui a constaté l’absence de son avocat et le dépôt d’un mémoire demandant la confirmation de la mesure de libération conditionnelle, retient, outre ses antécédents judiciaires, le fait qu’il possède un patrimoine important à Barcelone, la moitié de la propriété de sa mère après son décès survenu en 2015, d’autres biens indivis avec son frère en Andorre, et qu’il n’a mis en place aucun échéancier avec l’administration des douanes pour s’acquitter de l’amende douanière de 37 000 euros prononcée par le tribunal correctionnel de Digne-les-Bains le 11 juillet 2018.
Les juges concluent que, dans ces conditions, et même si M. X... justifie des efforts effectués depuis son incarcération, d’une possibilité d’emploi en Espagne, d’un logement et d’un entourage familial disposé à l’accueillir, la mesure de libération conditionnelle-expulsion n’apparaît pas opportune, étant relevé au surplus que rien n’établit que son état de santé ne serait pas compatible avec la détention.
En se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés.
En effet, il lui appartenait, pour fonder sa décision sur des éléments de fait et des pièces qui n’avaient pas été contradictoirement discutés devant le premier juge, de recueillir les observations du condamné non représenté, en procédant à son audition, au besoin après réouverture des débats
 ».
Cass. crim., 17 juin 2020, n° 20-80.240, P+B+I *
 

Aménagement de peine – personnalité et situation matérielle, familiale et sociale du condamné
« M. A... X... a été poursuivi pour avoir à Combs-la-Ville, du 1er septembre 2013 au 29 mars 2016, volontairement commis des violences habituelles ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, en l’espèce 15 jours, sur Mme B... Y..., alors qu’il était l’actuel ou l’ancien conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
Par jugement en date du 27 mars 2017, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable et l’a condamné à quatre ans d’emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l’épreuve. Il a prononcé sur les intérêts civils.
Le prévenu et le ministère public ont formé appel de cette décision.
 
Pour dire n’y avoir lieu à aménagement de la peine, l’arrêt relève que les éléments connus de la cour, concernant la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou son évolution, ne sont pas suffisamment précis, actualisés et vérifiés pour apprécier la possibilité de prononcer dès à présent, en sa faveur, une telle mesure.
En se déterminant ainsi, dès lors qu’il résulte de l’arrêt et des notes d’audience que le prévenu, qui comparaissait à l’audience, a été interrogé sur cette situation, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié, au vu des éléments recueillis, la possibilité de cet aménagement, au regard des exigences de l’article 132-19 du Code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur, et conclu à l’impossibilité matérielle d’aménager la peine, a justifié sa décision ».
Cass. crim., 17 juin 2020, n° 19-85.559, P+B+I *
 
 
Cour d’assises – témoin – enquêteur – visionnage de l’audition
« A la suite de la découverte, le 4 juin 2016, près d’une plage, à Nouméa, du corps sans vie de B...Y..., portant de graves blessures au visage, une information a été ouverte. M. A... X... a été mis en examen. Il a reconnu qu’il avait frappé à mort B...Y..., expliquant que celui-ci l’avait agressé sexuellement, qu’il avait caché le corps de la victime, et s’était emparé de son véhicule, avant d’y mettre le feu le lendemain.
Par ordonnance du 26 juin 2017, le juge d’instruction de Nouméa a mis en accusation M. X... devant la cour d’assises de la Nouvelle-Calédonie, pour meurtre, vol, dégradations volontaires par incendie et conduite sans permis.
Par arrêt du 8 décembre 2017, la cour d’assises de la Nouvelle-Calédonie a déclaré l’accusé coupable des faits, objet de l’accusation, et l’a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, ainsi qu’à l’interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant quinze ans et ordonné la confiscation des scellés. Par arrêt du même jour, la cour d’assises a prononcé sur les intérêts civils.
M. X... a relevé appel, et le ministère public a formé appel incident.
 
Vu les articles 6, § 3 d) de la Convention européenne des droits de l’homme, 329, 330, 331 et 335 du Code de procédure pénale :
Selon le premier de ces textes, tout accusé a droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la convocation et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.
Il résulte des textes susvisés du Code de procédure pénale que tout témoin cité par le ministère public ou par les parties, dont le nom a été régulièrement signifié, est acquis aux débats devant la cour d’assises et doit déposer, après avoir prêté serment, sauf s’il se trouve dans un cas d’empêchement ou d’incapacité prévu par la loi, ou si toutes les parties ont renoncé à son audition.
Il résulte du procès-verbal des débats que la défense a fait citer comme témoin devant la cour d’assises M. Z..., policier qui avait entendu l’accusé au cours de l’enquête. Le ministère public a présenté des réquisitions s’opposant à l’audition de ce témoin, au motif qu’il était visé nommément par une plainte avec constitution de partie civile, pour faux et usage de faux, déposée pour l’accusé devant le doyen des juges d’instruction de Nouméa, et que son audition porterait atteinte au secret de l’information et aux droits de la défense. La défense a déposé des conclusions pour s’opposer au refus de cette audition.
Par arrêt incident, la cour a dit n’y avoir lieu à procéder à l’audition de ce témoin, au motif que la plainte déposée contre lui vise en particulier les conditions dans lesquelles a été établi le procès-verbal de la deuxième audition de l’accusé au cours de sa garde à vue. Elle indique que le visionnage de cette audition, à l’audience de la cour d’assises, apportera un éclairage suffisant à la cour et au jury sur les propos tenus par l’accusé. Elle ajoute que l’audition de l’enquêteur, par la cour d’assises, hors la présence de son avocat, à laquelle il a droit en raison des faits de nature criminelle qui lui sont reprochés, serait de nature à porter atteinte à ses droits et n’est pas nécessaire à la manifestation de la vérité, même si le directeur d’enquête, muté en métropole, n’a pas été en mesure de comparaître devant la cour.
En prononçant ainsi, la cour d’assises a méconnu les textes susvisés, pour les raisons suivantes :
D’une part, en l’absence de toute disposition légale dispensant ce témoin, acquis aux débats, de comparaître, la cour ne pouvait énoncer qu’elle n’entendait pas recevoir sa déposition, ce témoin pouvant refuser de répondre à toute question concernant les faits visés par une plainte avec constitution de partie civile déposée contre lui par l’accusé, cette procédure étant distincte de celle jugée par la cour d’assises.
D’autre part, il appartenait au président de la cour d’assises, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de l’article 309 du Code de procédure pénale, d’écarter, d’office ou à la demande du ministère public ou des parties, toute question compromettant la dignité des débats, ou étrangère à leur objet.
Par ailleurs, tout accusé ayant le droit d’interroger ou de faire interroger des témoins, l’audition sollicitée ne pouvait être remplacée par le visionnage de l’audition de l’accusé au cours de sa garde à vue.
Enfin, la cour ne pouvait énoncer que l’audition demandée n’était pas nécessaire à la manifestation de la vérité, alors que cette nécessité ne pouvait être appréciée qu’au vu des questions qui seraient posées au témoin et de ses réponses, que la juridiction ne connaissait pas quand elle a écarté la nécessité de cette audition. 
Il en résulte que la cassation est encourue ».
Cass. crim., 17 juin 2020, n° 19-81.485, P+B+I *
 

Instruction – requête en incident d’exécution – pièces annulées ou cancellées
« M. Y... a porté plainte en janvier 2015, déclarant avoir été victime d’un enlèvement suivi d’une séquestration pendant plusieurs jours et d’une extorsion de fonds. M. X... a été mis en examen dans le cadre d’une information portant sur ces faits.
Saisie d’une requête en annulation d’actes de la procédure présentée par M. X..., la chambre de l’instruction de Paris a prononcé la nullité de certains des actes contestés, par arrêt du 7 février 2017.
Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017 (Crim. 18 octobre 2017, n°17.81-290), qui a renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, autrement composée.
Celle-ci a statué par arrêt du 19 décembre 2017, prononçant l’annulation de plusieurs actes de l’information, ainsi que l’annulation partielle d’une pièce, constituant la cote D 931 du dossier d’information, avec cancellation d’une partie de son contenu. 
Cet arrêt a été cassé sans renvoi par arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2018 (Crim. 9 mai 2018, n°18-80.066), qui a étendu la portée de la cancellation de la pièce cotée D 931 à une autre partie de son contenu.
M. X... a présenté une nouvelle requête en annulation, le 18 janvier 2018. Par arrêt du 15 juin 2018, la chambre de l’instruction a déclaré cette requête pour partie irrecevable, et l’a rejetée pour le surplus. Le pourvoi formé par M. X... contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2019 (Crim. 19 février 2019, n°18-84.462).

Par arrêt du 6 juillet 2018, la chambre de l’instruction de Paris a renvoyé M. X... devant la cour d’assises de Paris.
 Le 30 avril 2019, M. X... a saisi la chambre de l’instruction de Paris, sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale, d’une requête en incident d’exécution de son arrêt du 19 décembre 2017, soutenant qu’en dépit des décisions prononcées, les copies de la procédure remises aux parties en vue de l’audience de la cour d’assises comprenaient l’ensemble des actes annulés ou cancellés. Il a ajouté que ces copies reproduisaient également un tome de la procédure qui reprenait les pièces annulées et comprenait toutes les requêtes en annulation, les décisions rendues sur ces requêtes et les pièces s’y rapportant, parmi lesquelles des mémoires, réquisitions, avis et arrêts, soutenant qu’ils ne pouvaient figurer au dossier de la procédure mais devaient être conservés au greffe de la chambre de l’instruction. 

Au vu de cette requête, la cour d’assises de Paris a renvoyé l’examen de l’affaire, par arrêt du 6 mai 2019, relevant que les copies communiquées aux parties et au président de la cour d’assises comprenaient des pièces annulées et cancellées.
Par arrêt du 28 juin 2019, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a déclaré la requête en difficulté d’exécution recevable, et, avant dire droit sur le fond, demandé la communication de l’original du dossier et de l’ensemble des copies numérisées se trouvant au greffe de la cour d’assises et invité M. X... a communiquer à la chambre de l’instruction la copie numérisée de la procédure qui lui a été remise par le greffe de la cour d’assises. Elle a ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 24 septembre 2019.
Après les débats tenus à cette date, la chambre de l’instruction a statué sur la requête en difficulté d’exécution par l’arrêt attaqué.
 
Vu les articles 174 et 593 du Code de procédure pénale :
Selon le premier de ces textes, les actes ou pièces annulés par la chambre de l’instruction sont retirés du dossier d’information et classés au greffe de la cour d’appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu’a été établie une copie certifiée conforme à l’original, qui est classée au greffe de la cour d’appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou des parties d’actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats.
Tout jugement ou arrêt doit être motivé, et l’insuffisance ou la contradiction dans les motifs équivaut à leur absence.
Pour rejeter la requête en incident d’exécution, la chambre de l’instruction relève que le dossier original de la procédure est conforme aux dispositifs des arrêts précités de la chambre de l’instruction du 19 décembre 2017 et de la Cour de cassation du 9 mai 2018, les pièces dont l’annulation a été ordonnée ayant été retirées en original et en copie du dossier et la pièce, objet d’une annulation partielle, ayant été cancellée dans les conditions prévues par ces arrêts.
La chambre de l’instruction ajoute que le tome 14 du dossier d’instruction contient les pièces des procédures en annulation, comprenant les requêtes en annulation, les mémoires, les réquisitoires, les avis et les arrêts rendus à la suite de ces requêtes, ainsi que les deux dossiers des pourvois en cassation formés à l’occasion de ces contentieux, le dossier du pourvoi qui a donné lieu au prononcé de l’arrêt du 18 octobre 2017 comprenant des copies des pièces annulées par l’arrêt du 19 décembre 2017. 
En énonçant, d’une part, que les pièces annulées ont été retirées en original et en copie du dossier d’information, et, d’autre part, que l’original de ce dossier comprend des dossiers de pourvois en cassation où figurent les copies des pièces annulées, la chambre de l’instruction, s’est contredite.
De plus, en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le premier des textes susvisés qui exige que tous les exemplaires, en original et en copie, des pièces annulées soient retirés du dossier d’information. Cette obligation ne s’étend pas, toutefois, aux requêtes en annulation, et aux pièces des procédures ainsi qu’aux décisions auxquelles elles donnent lieu, même si celles-ci se réfèrent aux pièces dont l’annulation est demandée et les analysent, pour en apprécier la régularité. 
Il en résulte que la cassation est encourue de ce chef.
 
Vu les articles 710, 174 et 279 du Code de procédure pénale :
Il se déduit du premier de ces textes que les incidents contentieux relatifs à la mauvaise exécution ou à l’exécution incomplète d’un arrêt de la chambre de l’instruction sont portés devant cette juridiction.
En application du deuxième, les actes ou pièces annulés par décision de la chambre de l’instruction sont retirés du dossier de l’information et classés au greffe de la cour d’appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu’a été établie une copie certifiée conforme à l’original, qui est classée au greffe de la cour d’appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou des parties d’actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats.
Aux termes du troisième, en matière criminelle, il est délivré à chacun des accusés et parties civiles copies des pièces du dossier de la procédure.

Il résulte de la requête en difficulté d’exécution et de l’arrêt de la cour d’assises de Paris du 6 mai 2019 qu’en dépit des arrêts prononçant l’annulation de pièces de la procédure d’information, les copies du dossier d’information, tant numérisées qu’établies sur support papier, délivrées, en vue du procès devant la cour d’assises, aux parties, mais aussi au président de la cour d’assises, contiennent des pièces annulées, en partie ou en totalité.
Pour rejeter la requête en incident présentée devant elle, la chambre de l’instruction énonce que, si les copies délivrées contiennent des pièces annulées ou cancellées, les dispositions qui interdisent d’y faire référence suffisent à garantir que les décisions d’annulation seront respectées lors des débats devant la cour d’assises.
En prononçant ainsi, alors qu’il lui incombait, dès lors qu’elle était saisie d’une demande à cette fin, de s’assurer que les dispositions précitées des articles 174 et 279 du Code de procédure pénale avaient été observées, et le cas échéant, de prendre les dispositions nécessaires à cette fin, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 
Il en résulte que la cassation est encore encourue
 ».
Cass. crim., 17 juin 2020, n° 19-87. 188, P+B+I *
 

Détention provisoire – crise sanitaire – application dans le temps
« Le 15 mars 2020, M. X..., mis en examen des chefs de vols et tentatives de vols en bande organisée pour sept faits distincts, ainsi que pour violences volontaires sur une personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, a été placé en détention provisoire pour une durée d’un an.
Appel a été relevé de cette décision.
 
Vu les articles 15 et 18 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 :
Il résulte de la combinaison des articles susvisés que les délais impartis à la chambre de l’instruction, par l’article 194 du Code de procédure pénale, pour statuer sur l’appel d’une ordonnance en matière de détention provisoire, ont été prolongés d’un mois pour toutes les détentions provisoires en cours ou débutant à compter du 26 mars 2020, date de publication de l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020.
Pour dire que le délai imparti à la chambre de l’instruction pour statuer sur l’appel formé par M. X... le 17 mars 2020 contre l’ordonnance le plaçant en détention provisoire, était expiré lors de l’examen de l’affaire le 7 avril 2020, l’arrêt attaqué énonce que la chambre de l’instruction aurait dû statuer au plus tard le 2 avril 2020 et que la prolongation d’un mois prévue par l’article 18 de l’ordonnance du 25 mars 2020 était inapplicable dès lors que le délai d’appel dont disposait M. X... expirait le 25 mars 2020, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de ladite ordonnance.
En se déterminant ainsi, alors que la prolongation d’un mois prévue par l’article 18 de l’ordonnance sus-visée, entrée en vigueur le 26 mars 2020, s’appliquait à toutes les détentions en cours à cette date et donc à celle de M. X... ordonnée le 15 mars 2020, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
La cassation est par conséquent encourue ».
Cass. crim., 16 juin 2020, n° 20-81.911, P+B+I *
 
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 22 juillet 2020.
Source : Actualités du droit