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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
15/02/2021
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale.

Détention provisoire – chambre de l'instruction – motivation
« Le 8 octobre 2020, M. X... a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire. Il a interjeté appel de cette décision.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, en cours de publication ; Crim., 27 janvier 2021, n° 20-85.990, en cours de publication) que la chambre de l’instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s’assurer, même d’office, que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés.
Ce contrôle fait obligation aux juges de vérifier, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure au moment où ils statuent, que les pièces du dossier établissent, d’une part, l’existence d’agissements susceptibles de caractériser les infractions pour lesquelles la personne est mise en examen, selon la qualification notifiée à ce stade, et, d’autre part, la vraisemblance de leur imputabilité à celle-ci.
Les juges, lorsqu’ils concluent souverainement à la vraisemblance de la participation de la personne à la commission d’une ou plusieurs infractions, ne sont tenus, en cas de contestation, que d’exposer les éléments du dossier par lesquels ils se déterminent.
Pour confirmer l’ordonnance de placement en détention provisoire, la chambre de l’instruction énonce qu’il existe à l’encontre de M. X... des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’il ait pu commettre les infractions de complicité de vol en bande organisée par fourniture de moyens et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime.
Les juges relèvent qu’il est mis en cause par les investigations téléphoniques le faisant apparaître, sous le surnom de « Tinko », comme fournisseur de badges « Vigik » copiés, ainsi que par les surveillances et filatures couplées avec la téléphonie qui ont mis en évidence que le lieu de revente des badges se trouvait être le box dont il était locataire.
Ils retiennent encore les éléments découverts en perquisition, ses rencontres régulières avec une autre personne mise en examen dont le rôle consistait à copier les badges litigieux, les déclarations de ses co-mis en examen et enfin l’inadéquation de sa situation au regard de ses avoirs mobiliers et immobiliers.
En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction, qui n’avait pas à suivre la personne mise en examen dans le détail de son argumentation relative à la pertinence d’un indice particulier, ni n’avait, à ce stade, à caractériser au-delà de sa vraisemblance la circonstance aggravante de bande organisée, n’a méconnu ni les textes visés au moyen, ni les principes ci-dessus énoncés.
Ainsi, les griefs doivent être écartés.

Pour confirmer l’ordonnance de placement en détention provisoire, l’arrêt énonce encore que cette mesure constitue en l’état l’unique moyen de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son renouvellement, en ce qu’il ressort des éléments de téléphonie, de la perquisition réalisée au domicile de l’intéressé et des investigations patrimoniales que la revente de badges « Vigik » copiés a manifestement rapporté à celui-ci durant de longs mois un complément substantiel de revenus, voire lui aurait permis de se constituer un patrimoine en inadéquation avec la situation professionnelle qu’il décrit et qu’il pourrait être tenté, s’il était laissé en liberté, de poursuivre ses activités illicites, particulièrement lucratives.
Les juges ajoutent que la détention provisoire est également l’unique moyen de faire cesser le trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission et l’importance du préjudice qu’elle a causé, en ce que le trafic de clés « Vigik » mis au jour favorise la multiplication des cambriolages qui, par leur nombre et l’importance du préjudice matériel cumulé, outre les préjudices moraux et le sentiment d’insécurité que ces cambriolages engendrent, troublent de façon importante l’ordre public.
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction, qui s’est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale, en fonction d’éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, a justifié sa décision sans encourir les griefs visés au moyen.
Ainsi, ceux-ci doivent aussi être écartés 
».
Cass. crim., 9 févr. 2021, n° 20-86.339, P+I *


Détention provisoire – demande de mise en liberté – desistement
« Le 19 décembre 2019, M. X... a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.
Par ordonnance du 22 juillet 2020, le juge des libertés et de la détention a rejeté sa demande de mise en liberté.
Le 24 juillet 2020, par déclaration au greffe de la maison d’arrêt, M. X... a formé appel de cette ordonnance.
Par un écrit daté du même jour, revêtu du cachet de la maison d’arrêt, également du même jour, M. X... a déclaré se désister de son appel.
Le greffe de la maison d’arrêt n’a transmis ni la déclaration d’appel ni le désistement au greffe de la chambre de l’instruction.
Par un courrier en date du 21 octobre 2020, un avocat de M. X... a appelé l’attention du procureur général sur l’absence de décision de la chambre de l’instruction, dans le délai prévu à l’article 194 du Code de procédure pénale, sur l’appel formé par son client et a sollicité la mise en liberté immédiate de celui-ci.
Le 22 octobre 2020, le procureur général a indiqué à cet avocat que son client s’était désisté de son appel.
Par réquisitions en date du 3 novembre 2020, le procureur général a saisi le président de la chambre de l’instruction aux fins de voir constater le désistement d’appel de M. X....

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Les dispositions de l’article 194, alinéa 4, du Code de procédure pénale ont pour objet de permettre à la personne mise en examen détenue de faire examiner par la chambre de l’instruction, dans les plus brefs délais, et au plus tard dans les délais prescrits par cet article, le bien-fondé de sa détention.
Or, cette exigence de célérité devient sans objet lorsque la personne détenue renonce de façon non équivoque à exercer un tel recours, en se désistant de son appel.
Il s’ensuit que lorsque la personne mise en examen se désiste de son appel durant le délai prévu à l’article 194, alinéa 4, la chambre de l’instruction n’est pas tenue de constater ce désistement dans ce délai.
Néanmoins, le désistement d’appel, tant que sa régularité n’a pas été constatée et qu’il n’en a pas été donné acte, peut être rétracté et ne dessaisit pas la chambre de l’instruction.
Dès lors, en cas de rétractation du désistement d’appel dont il n’a pas été donné acte, la chambre de l’instruction reste tenue de statuer dans le délai prévu à l’article 194, alinéa 4 du Code de procédure pénale qui court à compter de cette rétractation.
En l’espèce, pour constater le désistement de M. X... et ne pas faire droit à sa demande de mise en liberté immédiate, faute pour la chambre de l’instruction d’avoir constaté le désistement de celui-ci dans le délai prévu à l’article 194 précité, l’arrêt énonce que l’exercice par la personne mise en examen de la voie de l’appel contre l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention a été suivi le jour même de sa rétractation de ce recours par la manifestation univoque de la volonté de son auteur de s’en désister.
Les juges ajoutent qu’il n’existe aucun élément objectif permettant de conclure que M. X... a rétracté ce désistement.
En l’état de ces seules énonciations, d’où il se déduit que le délai prévu à l’article 194, alinéa 4 n’avait pas commencé à courir en raison du désistement de M. X..., dépourvu de tout équivoque, la chambre de l’instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions invoquées au moyen.
Il s’ensuit que les griefs ne peuvent être accueillis.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Pour écarter l’argumentation du demandeur prise de l’irrégularité de la saisine par le procureur général du président de la chambre de l’instruction, l’arrêt énonce que l’exercice par ce dernier des attributions particulières prévues par l’article 186, alinéa 6, du Code de procédure pénale relève d’une simple faculté et n’a aucunement pour conséquence de priver la chambre dans sa formation collégiale de la possibilité de connaître des situations envisagées par lesdites dispositions.
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.
En effet, l’article 186 du Code de procédure pénale ne prévoit pas que le président de la chambre de l’instruction saisisse cette chambre par ordonnance.
Dès lors, le moyen n’est pas fondé
 ».
Cass. crim., 9 févr. 2021, n° 20-86.558, P+I *


QPC – chambre de l'instruction – droit de se taire
« La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’article 199 du Code de procédure pénale, telles qu’interprétées par la jurisprudence en ce qu’elles ne prévoient pas que, devant la chambre de l’instruction statuant sur la détention provisoire d’une personne, cette dernière lorsqu’elle est comparante, doit être informée de son droit, au cours des débats, de se taire alors que la chambre de l’instruction doit s’assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés (Crim. 14 octobre 2020, p n° 20-82.961, publié au bulletin), ne méconnaissent-elles les droits et libertés constitutionnellement garantis et plus particulièrement les articles 6, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »

La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
La question posée présente un caractère sérieux.
En effet, la comparution personnelle de la personne détenue devant la chambre de l’instruction a pour objet de permettre à la juridiction de lui poser les questions qui lui paraissent utiles à l’instruction du dossier.
Or, la chambre de l’instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s’assurer, même d’office, que les conditions légales de la mesure de détention provisoire sont réunies, en constatant expressément l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne mise en examen ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi (Crim., 27 janvier 2021, pourvoi n° 20-85.990, en cours de publication).
Il s’ensuit que l’existence de tels indices est nécessairement dans les débats devant la chambre de l’instruction.
Il en résulte que la personne détenue peut être amenée à faire des déclarations sur ce point, déclarations qui resteront au dossier de la procédure.
Dès lors, en l’absence d’une notification préalable à la personne détenue de son droit de se taire, il pourrait être porté atteinte à son droit de ne pas s’accuser.
En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel
».
Cass. crim., 9 févr. 2021, n° 20-86.533, P+I * 


*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 15 mars 2021

Source : Actualités du droit