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Quarantaine et isolement : ce qu’il faut retenir des deux décrets d’application

Pénal - Informations professionnelles, Procédure pénale
27/05/2020
Des mesures de quatorzaine ou d’isolement ont été mis en place par la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Deux décrets d’application du 22 mai 2020 ont détaillé ce dispositif. Focus sur leurs dispositions. 

Le 12 mai 2020, la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire a été publiée au Journal officiel (L. n° 2020-546, 11 mai 2020, JO 11 mai; v. Prolongation de l'état d'urgence sanitaire : ce que contient finalement la loi, Actualités du droit, 12 mai 2020). Elle organise dans ses articles 3 et 5, la mise en quarantaine ou le placement et maintien à l’isolement et l’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD).

 
Et la loi renvoyait à deux décrets la fixation des conditions d’application de ces dispositions en fonction de la nature et des modes de propagation du virus :
  • le décret n° 2020-610 du 22 mai 2020 ( JO 23 mai) ;
  • le décret n° 2020-617 du 22 mai 2020 (JO 23 mai).
 
Rappelons que le Conseil constitutionnel avait alerté le gouvernement, dans son avis du 11 mai 2020 (Cons. const., 11 mai 2020, n° 2020-800 DC), sur la nécessité que les atteintes portées à l’exercice de la liberté individuelle soient « adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs ».
 
 
Que retenir de la loi ?
La loi prorogeant l’état d’urgence a prévu que :
- ces mesures ne visent que les personnes qui entrent sur le territoire après avoir séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection (fixée par arrêté) ;
- la quarantaine ou l’isolement peut se dérouler au choix des personnes qui en font l’objet, soit à leur domicile ou dans les lieux d’hébergement adapté ;
- la durée initiale ne peut excéder 14 jours et les mesures sont renouvelables dans la limite d’une durée maximale d’un mois ;
- la personne concernée peut être interdite de sortir de son domicile ou lieu d’hébergement sous réserve de certains déplacements autorisés mais aussi certains lieux ou catégories de lieux ;
- un accès aux biens et services de première nécessité doit être garanti à l’intéressé ainsi qu’aux moyens de communication téléphonique et électronique permettant de communiquer avec l’extérieur ;
- des dispositions sont spécifiques aux personnes et enfants victimes de violences intrafamiliales.
 
 
Encadrement de la mise en quarantaine ou du placement à l’isolement
Le décret n° 2020-617 publié le 23 mai ajoute un chapitre consacré à la mise en quarantaine et placement à l’isolement au décret du 11 mai prescrivant les mesures générales pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (D. n° 2020-548, 11 mai 2020, JO 12 mai, v. Covid-19 : dispositions du décret du 11 mai 2020 concernant les rassemblements, réunions ou activités, Actualités du droit, 11 mai 2020).
 
Il prévoit concrètement que :
- la mise en quarantaine ou le placement et maintien en isolement peut être prescrit à l’entrée du territoire national, en Corse ou dans une collectivité territoriale pour toute personne ayant séjournée au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection ;
- le préfet peut prescrire ces mesures contre les personnes arrivant sur le territoire d’une collectivité territoriale depuis le reste du territoire national ou l’étranger et celles arrivant sur le territoire métropolitain depuis l’étranger présentant des symptômes d’infection au Covid-19 ;
- la situation individuelle et familiale doit être prise en compte dans le choix du lieu ;
- par exception, pour les personnes arrivant dans une collectivité territoriale, le représentant de l’État territorialement compétent pourra s’opposer au choix du lieu retenu par l’intéressé si « les caractéristiques de ce lieu ou les conditions de son occupation de répondent pas aux exigences sanitaires qui justifient la mise en quarantaine ».
 
 
Une atteinte aux libertés individuelles sous la surveillance du JLD
La loi du 11 mai 2020 encadre, dans son article 5, l’intervention du JLD concernant les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement.
 
Il est précisé que :
- la décision de la mise en quarantaine et placement et maintien en isolement doit mentionner les voies et délais de recours ainsi que les modalités de saisine du JLD ;
- le JLD peut être saisi par la personne objet de la mesure, par le procureur de la République ou se saisir d’office à tout moment en vue de la mainlevée de la mesure ;
- le JLD doit statuer dans un délai de 72h par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire ;
- en cas de prolongation au-delà de quatorze jours, il faut un avis médical établissant la nécessité ;
- le JLD doit intervenir lorsque la mesure interdit toute sortie de l'intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l'isolement se déroule doit se poursuivre au-delà de quatorze jours.
 
C’est, en l’espèce, le décret n° 2020-610 qui est venu encadrer l’intervention du JLD.
 
 
Décision et déroulé de la mise en quarantaine ou du placement en isolement
Le décret n° 2020-610 vient fixer les conditions dans lesquelles sont prises et renouvelées les mesures de mise en quarantaine et celles de placement à l’isolement, ainsi que les modes d’information des personnes concernées. Un texte qui fixe également la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention (JLD).
 
Ainsi, le préfet peut :
- ordonner par décision individuelle motivée des mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé accompagnée d’un certificat médical mentionnant que la personne est porteuse du virus Covid-19 ;
- renouveler la mesure après avis médical établissant la nécessité de prolongation et ce lorsqu’elle « n’interdit pas toute sortie de l’intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l’isolement se déroule, et ne lui impose pas de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour ».
 
La décision de mise en quarantaine ou de placement en isolement doit être motivée et doit organiser :
- le lieu d’exécution de la mesure ;
- la durée ;
- les restrictions ou interdictions de sortie et les conditions auxquelles elles sont soumises ;
- les conditions permettant la poursuite de la vie familiale ;
- les adaptations nécessaires ;
- les conditions garantissant un accès aux biens et services de première nécessité et aux moyens de communication téléphonique et électronique si l’intéressé a interdiction de sortir de son domicile ou lieu d’hébergement.
 
Décision, certificat médical et conditions d’exécution sont notifiés à la personne qui fait l’objet de la mesure et si besoin au titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, au tuteur ou à la personne chargée de la mesure de protection.
 
Sont aussi indiqués les voies et délais de recours, les modalités de saisine du JLD, les effets attachés à ses décisions et les conditions de son intervention en cas de prolongation demandée par le préfet au-delà de quatorze jours.
 
 
L’ARS, en charge du suivi médical
« Le directeur général de l'agence régionale de santé est chargé de l'information régulière et de l'organisation du suivi médical des personnes faisant l'objet d'une quarantaine ou d'un placement en isolement » prévoit le décret. Il organise alors un suivi téléphonique régulier et informe les personnes concernées de leur possibilité de bénéficier d’un accompagnement social, médical ou médico-psychologique.
 
Le préfet est informé de son action et peut mettre fin à une mesure d’isolement avant son terme lorsqu’un avis médical le permet.
 
 
Précisions sur la saisine du JLD
L’intéressé ou le ministère public peuvent demander, à tout moment, au JLD la mainlevée de la mesure de quarantaine ou d’isolement. « Le juge est saisi par requête adressée au greffe par tout moyen » précise le décret n° 2020-610, elle doit être motivée, signée et accompagnée de toute pièce justificative utile.
 
Le JLD peut aussi, à tout moment, se saisir d’office. La personne en quarantaine ou à l’isolement peut alors lui transmettre toutes informations utiles sur la situation.
 
Dans tous les cas, le JLD « statue selon une procédure écrite » et peut décider de recourir à des moyens audiovisuels ou téléphoniques si la confidentialité et le contradictoire sont assurés.
 
L’intéressé peut être représenté par un avocat et assisté d’un interprète. Ainsi, la personne faisant l’objet de la mesure, son avocat, le ministère public et le préfet peuvent adresser des observations au JLD.
 
La décision leur sera notifiée « sans délai par tout moyen permettant d'en assurer la réception ».
 
Le décret prévoit ensuite que « l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué dans les cinq jours de sa notification ». Sachant que ce dernier, ou son délégué, doit statuer dans un bref délai.
 
 
Une possible prolongation au-delà de quatorze jours
Sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé, le préfet peut saisir le JLD pour prolonger la mesure de mise en quarantaine ou placement à l’isolement au- delà de quatorze jours, « dès lors que la mesure de mise en quarantaine ou de placement en isolement interdit toute sortie de l'intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l'isolement se déroule ou impose à l'intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour ».
 
La demande doit être présentée au plus tard le dixième jour de la mesure et doit être « motivée, datée, signée et accompagnée de l'avis médical établissant la nécessité de cette prolongation », du certificat médial ayant justifié le placement à l’isolement et de toute pièce justificative utile. Elle est adressée par tout moyen au greffe du tribunal qui doit l’enregistrer et apposer un timbre indiquant la date et l’heure de la réception.
 
L’intéressé, son avocat et le ministère public peuvent adresser au plus tard le douzième jour, toutes observations au JLD qui devra, à l’issue de ce délai, statuer selon une procédure exclusivement écrite. Il pourra décider de recourir à des moyens audiovisuels ou téléphoniques, tant que confidentialité et contradictoire sont assurés.
 
Le juge devra statuer avant l’expiration du délai de quatorze jours à compter du placement en quarantaine ou à l’isolement et pourra ordonner la mainlevée de la mesure. À défaut, la mainlevée de la mesure de quarantaine ou d’isolement est acquise à l’issue de ce délai.
 
La décision sera notifiée à la personne objet de la mesure, son avocat et le ministère public « sans délai par tout moyen permettant d’en établir la réception ».
 
 
Un régime dérogatoire applicable jusqu’au 1er avril 2021
Deux points à noter, pour finir. Le décret n° 2020-610 prévoit une entrée en vigueur immédiate, mais surtout, il est applicable jusqu’au 1er avril 2021. Rappelons alors que l’état d’urgence sanitaire est, pour sa part, prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.
Source : Actualités du droit