Retour aux articles

Distinction entre actes préparatoires et commencement d’exécution

Pénal - Droit pénal spécial, Droit pénal général
07/06/2018
Dans un arrêt rendu le 16 mai 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation applique la distinction entre actes préparatoires et commencement d'exécution, et requalifie ainsi une tentative d'escroquerie en délit de contrefaçon de chèques.
La tentative d'escroquerie, manifestée par un commencement d'exécution, suspendue ou n'ayant manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est le fait de tenter, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne en vue de la déterminer ainsi, à son préjudice ou à celui d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien ou à fournir un service ou, encore, à consentir à un acte opérant obligation ou décharge.

Dès lors, encourt la cassation l’arrêt qui, pour déclarer le prévenu coupable de tentative d’escroquerie, relève qu'en se procurant des chèques dans l'intention de les poster à une adresse remise par un mystérieux donneur d'ordre, l’intéressé a bien commis le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie, lequel n'a manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, à savoir, la fouille de son véhicule par les douaniers. Telle est la solution d’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 16 mai 2018.

Dans cette affaire, un homme a été trouvé, lors d'un contrôle routier par les agents des douanes, en possession de neuf faux chèques qu'il avait mis sous enveloppes et qu'il s'apprêtait à expédier, libellées aux adresses d'individus désignés par le réseau criminel Darknet. Ce réseau lui avait procuré ces effets contrefaits dans le but de permettre aux destinataires de réaliser des transactions frauduleuses.

Actes préparatoires

Poursuivi du chef de tentative d’escroquerie, le tribunal correctionnel, estimant que le délit n’était pas caractérisé, a requalifié les faits en détention de chèques contrefaits ou falsifiés. Le ministère public a interjeté appel. En cause d’appel, les juges l’ont déclaré coupable de tentative d’escroquerie, estimant qu’il y avait bien eu un commencement d’exécution.

À tort. La Haute juridiction, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt. Elle retient qu’il s’agissait tout au plus d’actes préparatoires n’ayant pas pour conséquences directe et immédiate la consommation d'escroqueries. En effet, les faux chèques étaient destinés par le prévenu non pas directement à des victimes contre remise recherchée de fonds ou de valeurs ou obtention d'un service ou d'un acte opérant obligation ou décharge, mais à des malfaiteurs censés s'en servir comme moyen pour tirer profit de transactions frauduleuses. La cour d’appel aurait donc dû rechercher si les faits pouvaient être qualifiés notamment de tentative d'usage, en connaissance de cause, de chèques contrefaisant, délit visé par le 2 de l'article L. 163-3 du Code monétaire et financier.

La particularité de cette décision tient au fait qu’en l’espèce, il s’agissait de chèques. La Cour de cassation juge en effet, en matière d’escroquerie à l’assurance, que seule la déclaration de sinistre constitue un commencement d’exécution justifiant une condamnation pour tentative d’escroquerie (Cass. crim., 17 déc. 2008, n° 08-82.085, F-P+F).

Par June Perot
Source : Actualités du droit