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Violences sexuelles sur mineur : adoption de la proposition de loi par l’Assemblée nationale

Pénal - Procédure pénale, Droit pénal spécial
17/03/2021
Fixation d’un seuil de non-consentement à 15 ans, nouvelles infractions, inceste, prescription prolongée. Retour sur le texte voté par l’Assemblée nationale le 16 mars 2021.
Après des débats au Sénat au mois de janvier, l’Assemblée nationale vient de voter la proposition de loi visant à « protéger les jeunes mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste ». Le nom a changé au cours des débats (amendement n° 214).
 
« Notre tâche est immense. Nous devons changer la loi pour, enfin, protéger complètement et absolument nos enfants » introduisait Éric Dupond-Moretti lors de la discussion à l’Assemblée nationale. Objectif : « que les choses soient désormais claires pour toutes et tous : on ne touche pas aux enfants ».
 
En commission des lois, le texte a déjà bien évolué. Pas moins de 138 amendements ont été déposés. Mais nouvelle mouture en séance publique avec près de 300 amendements déposés.
 
 
L’inceste : une infraction autonome
La proposition prévoit la création d’un article 222-22-3 dans le Code pénal prévoyant que « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par » :
- un ascendant ;
- un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce ;
-le conjoint, le concubin ou le partenaire d’une des personnes mentionnées aux 1° et 2°, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.
 
En effet, « Grâce à cette proposition, le viol incestueux et l’agression sexuelle incestueuse seront désormais nommés et définis spécifiquement dans le Code pénal » souligne le garde des Sceaux.
 
 
« En dessous de quinze ans, c’est non »
Le texte fixe l’âge de consentement à quinze ans (amendement n° CL76). Rappelons alors que le Sénat l’avait fixé à treize. Pour la rapporteure, « Les débats en commission des lois ont montré que nous étions unanimes à ce sujet. Le principe retenu sera clair : en dessous de quinze ans, c’est non ». Seuil porté à dix-huit ans en cas d’inceste.
 
Concrètement,
- le viol, défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital » sur un mineur de moins de 15 ans « ou commis sur l’auteur par le mineur » (amendement n° 273) est puni de 20 ans de réclusion criminelle (nouvel article 222-23-1) ;
- le crime de viol incestueux sur un mineur de moins de 18 ans et « qualifié d’inceste » est puni de 20 ans de réclusion criminelle (nouvel article 222-23-2) ;
- le délit d'agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans est puni de 10 ans de prison et de 150 000 euros d'amende (nouvel article 222-29-1);
- le délit d'agression sexuelle incestueuse sur mineur de moins de 18 ans est puni de 10 ans de prison et de 150 000 euros d'amende (nouvel article 222-9-3).
 
Précision : une clause « Roméo et Juliette » permet les relations sexuelles lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est de moins de 5 ans. « Nos principes constitutionnels, notamment celui de la proportionnalité de la peine, nécessitent l’introduction d’un écart d’âge entre le majeur et le mineur dans les nouvelles définitions du viol et de l’agression sexuelle » explique le ministre de la Justice. Mais cette différence ne doit pas être prise en compte pour des faits commis en échange d’une rémunération (amendement n° 216).
 
Le texte coordonne également le régime des atteintes sexuelles.
 
 
Une prescription glissante
Pour rappel, le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs a été allongé à 30 ans à compter de la majorité par la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. La présente proposition veut mettre en place « un mécanisme de connexité spécifique aux infractions sexuelles commises sur les mineurs » explique Éric Dupond-Moretti.
 
Le sous-titre Ier du titre préliminaire du Code de procédure pénale est modifié (amendement n° 238) et prévoit que le délai de prescription, si la même personne viole ou agresse sexuellement un autre mineur, pourra être prolongé « jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction ». Ce mécanisme concerne les viols, agressions ou atteintes sexuelles.
 
Aussi, le délai de prescription du délit de non-dénonciation de sévices (art. 434-3) est allongé :
- de dix ans à compter de la majorité de la victime  en cas d’agression ou un atteinte sexuelle commise sur un mineur ;
- de vingt ans à compter de la majorité de la victime lorsque le défaut d’information concerne un viol commis sur un mineur.
 
 
Délit de « sextorsion »
Le texte veut interdire le fait pour un majeur de solliciter auprès d’un mineur de quinze ans la « diffusion ou transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique dudit mineur ». Cette infraction est punie de 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende (amendement n° 79).
 
Le nouvel article 227-22-2 prévoit lui que « le fait pour un majeur d’inciter un mineur de quinze ans, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, y compris si cette provocation n’est pas suivie d’effet, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende » (amendement n° 219).

 
Autres dispositions
Enfin, la proposition de loi prévoit que :
- le délit d’exhibition sexuelle inclut l’acte sous des vêtements et porte la peine à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis au préjudice d’un mineur de quinze ans ;
- l’inscription dans le fichier judiciaire national des auteurs d’infractions sexuelles ou violents est automatique pour les auteurs d’infractions sexuelles sur mineur, exception possible si la peine d’emprisonnement est inférieure à cinq ans (amendements n° 260 et n° 236) ;
- par principe, en cas de condamnation pour une infraction commise sur un mineur prévue dans la section des agressions sexuelles ou certaines portant atteinte aux mineurs, « la peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs (…) est prononcée à titre définitif ».
 
 
Le texte a été adopté par les 67 députés présents dans l’hémicycle. Maintenant, le débat doit se poursuivre au Sénat.
 

 
Source : Actualités du droit